Sans statues

Depuis quelques semaines une foule s’attroupe pas loin de chez moi pour “admirer” la nouvelle statue du quartier (et oui, deux articles sur les statues en quelques mois, c’est une véritable vague de bronze!). Vous en avez peut-être déjà entendu parler? La nouvelle de l’arrivée d’une statue en hommage (attention, pas une représentation!) à la féministe Mary Wollstonecraft, auteure de Vindication of the Rights of Women, et maman de Mary Shelley, auteure de Frankenstein, a fait sensation. La meilleure description que j’ai lue jusqu’à présent, c’est “une vague surmontée d’une Barbie et sprayée avec de la peinture argentée”. Mon fils, quand je lui ai demandé que signifiait la statue, a répondu “cela ne ressemble à rien” (littéralement).

Autant vous dire que ce n’est pas une grande réussite (même la police d’écriture sur la stèle est bof) – mais elle fait sensation comme Wollstonecraft à l’époque avec son parcours hors-normes. C’est l’oeuvre d’une sculptrice, Maggi Hambling, et d’une campagne d’activistes qui ont réussi à récolter assez d’argent (£140,000 quand même). La mini-barbie a déjà été recouverte de tricots fait-main, et des panneaux “Où sont mes livres?” sont apparus très vite.

Je dois dire que le résultant est décevant – pourquoi une allégorie du féminisme, quand une statue de Mary aurait été parfaitement adéquate? Je verrai bien une Mary, brandissant son livre, enceinte (comme dans son portrait le plus connu; en plus, tout un symbole, elle est morte de septicémie après avoir accouché de sa deuxième fille, Mary).

Le problème vient également du fait qu’il n’y pratiquement pas de statue de femme au Royaume-Uni (et j’imagine dans la plupart des autres pays aussi). Selon Statues for Equality, il y aurait 828 statues publiques au UK, et 21% d’entre elles représenteraient une femme. Selon cet article de la BBC, seule une statue sur 5 en Angleterre représenterait une femme – déjà pas terrible comme chiffre. Lorsqu’on regarde tout ça en détail, c’est en fait bien pire: sur les 80 (!) statues de femmes, 38 représentent des reines; et une bonne partie du reste des figures allégoriques (comme des nymphes etc.). Il y a 0 femmes politiques représentées. Résultat des courses: il n’y a à Londres moins d’une vingtaine de statues de femmes ayant réellement existé (et encore on a de la chance, c’est le double de la moyenne nationale).

Voici une petite liste de celle qui ont brisé le plafond de bronze/pierre – la prochaine fois que vous passez devant-elles, vous les regarderez sans doute d’un autre oeil:

Ça fait quand même beaucoup d’infirmières et d’espionnes tout ça, non? Bon il y aussi la ballerine Anna Pavlova, mais elle est perchée tout en haut de la coupole du Victoria Palace Theatre, donc pas vraiment sur la place publique. Sinon, dans le genre royal et imposant, il y a aussi Queen Anne devant St Paul, Boudicca sur l’Embankment, et Queen Victoria près de Blackfriars Bridge.

Autant dire que la récolte est maigre (et c’est aussi choquant de réaliser à quel point la plupart de ces statues sont récentes). Pourtant ce ne sont pas les candidates qui manquent. L’association Invisible Women a préparé une Liste d’Attente avec quelques suggestions, de Barbara Harmer, première pilote de Concorde à Jo Cox, politicienne assassinée en 2016, en passant par les soeurs Brontë. Et j’ose demander qui veut une statue de Margaret Thatcher? En tout cas Mary on the Green, une vraie occasion manquée.

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One comment

  1. Qui veut une statue de la dame de fer ?
    Personne, “À part peut-être, Madame Thatcher”
    … et elle en déjà une à la Chambre des Communes, j’espère qu’elle rouille…

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