Notre nouveau premier ministre n’a travaillé qu’une semaine avec le parlement, mais quelle semaine! Il a perdu 3 votes successifs en une seul journée (6 en tout), 2 membres de son cabinet (dont son petit frères), 23 membres de son parti, et s’est fait menacé de prison s’il ignore la nouvelle loi demandant le délai du Brexit – un record. Pour couronner le tout, la cour d’appel écossaise a jugé aujourd’hui que sa décision de suspendre le Parlement jusqu’au 14 octobre était illégale.
Mais qui est donc ce drôle d’énergumène qui rend de nombreux Britanniques absolument livide? L’écrivain John Le Carré le décrit comme ‘un porc ignorant’ dans son nouveau roman, et même Hugh Grant lui a réservé une tirade, le traitant de “jouet de bain en plastique trop promu”:
1. Boris est un pitre
Bo-Jo, comme on l’appelle aussi parfois, est connu pour sa touffe de cheveux ultra blonds, ultra longs et ultra mal coiffés, son côté maladroit, son amour du latin et de la littérature classique et surtout ses bouffonneries… Ici on le décrit souvent comme un “bumbling buffoon” (un pitre empoté), “shambolic” (bordélique) et “gaffe-prone” (prédisposé aux gaffes). Un truc typique de Boris-le-clown: sourire et dire “thank you” au passant qui vient de l’insulter, en saluant d’un signe de la main royal. Ou bien de tomber dans la rivière qu’il essaye de nettoyer. Ou encore de rester coincé sur une tyrolienne en agitant des Unions Jacks pour les Jeux Olympiques.
Certains disent qu’il a raté sa carrière, et aurait dû être stand-up comedian… Il dit des choses comme “I am supporting David Cameron purely out of cynical self-interest.” (Je soutiens David Cameron purement par cynisme et intérêt personnel) ou “What’s my view on drugs? I’ve forgotten my view on drugs.” (Quel est mon point de vue sur les drogues? J’ai oublié mon point de vue sur les drogues).
En tout cas, en tant que premier ministre, il ne fait pas rire grand monde.
2. Boris est raciste, sexiste et homophobe
Sous son masque de boufon se cache une âme bien noire. Même si Boris, qui a été éduqué à l’École Européenne de Bruxelles, se décrit comme un “one-man melting pot” — ses ancêtres comprennent des Juifs, Musulmans et Chrétiens; son arrière-grand-père s’appelait Ali Kemal Bey, et était Turc – c’est aussi un homme près à tout pour se faire élire, même s’abaisser à des remarques racistes pour se mettre les électeurs d’extrême-droite dans la poche. Entre autre, il a:
– décrit les femmes musulmane portant la burqa comme des “boîtes aux lettres” et des voleurs de banque (Tanmanjeet Singh Dhesi, le premier MP Sikh portant un turban, lui a demandé de faire ses excuses récemment, dans un discours percutant)
– décrit les habitants du Commonwealth (noirs donc) comme des piccaninnies (négrillons) avec des sourires en forme de pastèques
– suggéré dans un poème que le président turc Erdoğan s’accouple avec une chèvre et comparé Vladimir Putin à Dobby the Houseelf d’Harry Potter
– comparé les actes homosexuels à la bestialité et traité les gays de bumboys (tarlouse) (mais voté pour le civil partnership)
– “voting Tory will cause your wife to have bigger breasts” a-t-il dit lors d’une campagne électorale ne 2005
3. Boris est plutôt nul en tout
Mais qu’a-t-il fait durant sa longue carrière dans le domaine public? Ben pas grand-chose, et beaucoup de dégâts .
En tant que journaliste:
Il a commencé sa carrière au Times, mais s’est fait virer après avoir falsifié une citation de son parrain, le vice-chancelier de Oxford University. En tant que correspondant à Bruxelles pour le Telegraph, il s’est empressé d’inventer des Euromyths, comme une fameuse loi sur la forme des bananes…
En tant qu’homme politique:
MP de Henley on Thames, un siège ultrasûr, il est devenu vice-chairman du parti Conservateur, mais s’est fait viré pour avoir menti sur sa liaison avec la journaliste Petronella Wyatt. Lors de la campagne Leave du Brexit, il a dit mensonges après mensonges, le plus connu étant le fameux £350m a week pour la NHS sur le bus de campagne (on le poursuit en justice à ce sujet).
En tant que maire de Londres:
Par où commencer? Les Boris bikes (les Vélib londoniens) n’ont de lui que leur nom: elles ont été lancées par son prédécesseur Ken Livingstone (Tous les plus gros projets, comme Crossail, le Overground et les JO, ont été planifiés par Livingstone). Il n’a rien fait pour diminuer la pollution ution (il préfère la coller au sol) et menti sur le problème, il a fermé des casernes de pompiers , il a autorisé des grands développements de luxe, il a acheté des canons à eau anti-emeutes inutiles… Mais il a brassé de l’air et de l’argent sur de grands projets mégalos, ou vanity projects, comme un téléphérique ridicule, une sculpture Orbit endettée de 13m, un Garden Bridge qui ne verra jamais le jour mais qui a couté 50m, et un nouveau bus très chic mais où il fait trop chaud…
En tant que ministre des Affaires étrangères:
– il a empiré la situation de Nazanin Zaghari Ratcliffe, détenue en Iran
– “blagué” sur la Libye ayant le potentiel d’être un nouveau Dubaï de manière totalement inappropriée: “The only thing they’ve got to do is clear the dead bodies away and then we’ll be there”
– récité un poème de Rudyard Kipling, au Myanmar, sur la nostalgie d’un soldat britannique pour l’ancienne colonie (l’ambassadeur britannique a dû l’interrompre)
4. Boris le ‘Tory twat’
On l’a parfois décrit comme un “typical Tory twat” (con de droite typique), car Boris est très très riche et s’appelle Alexander Boris de Pfeffel Johnson. Il a étudié dans les meilleures écoles du pays, à Ashdown, puis à Eton et Oxford avec David Cameron (il faisait aussi partie du Bullingdon club, un club de jeunes hommes riches qui se bourraient la gueule ensemble – et bien pire encore – en portant des queues de pies).
Sa famille est tout aussi colorée: “competitive, tight-knit, look-at-me Johnson clan” holds a place in British life “somewhere in the large, amorphous space between the Kennedys and the Kardashians”, dixit The New York Times. Sa mère, Charlotte Johnson Wahl, est une artiste, fille de champagne socialists (gauche caviar) qui n’a jamais voté Tory de sa vie; son père, Stanley Johnson, un homme politique (remainer) et écologiste qui est apparu dans l’émission de télé-réalité I’m a Celebrity…; ses frères, Jo et Leo, ont travailler dans la City et sont devenus respectivement politicien et présentateur radio; sa soeur, Rachel, ancienne rédactrice-en-chef de The Lady magazine, et star de Celebrity Big Brother. La vie de famille était chaotique (Charlotte souffrant de dépression et troubles mentaux), mais heureusement la Norland Nanny veillait sur la tribu.
5. Boris est un coureur de jupon
Comme son père, Boris est un serial womaniser et ses liaisons font la une des pages people. Il a quitté sa première femme après l’avoir trompée avec sa future deuxième, avec qui il a ensuite eu 4 enfants. (Alors qu’il était marié, il a aussi un autre enfant avec sa maitresse). “Any sensible girl should stay away from him. You’ll get the cheery persistence, then the conquest, but when he’s bored he won’t care about you in the slightest,” dit l’une de ses anciennes conquêtes.
Ayant divorcé de sa seconde femme Marina, après 25 ans de mariage (et sûrement presque autant de liaisons), Boris sort en ce moment avec Carrie Symonds, une PR de 31 ans. Leur relation est passée sous le feux des projecteurs, lorsqu’une de leurs disputes a été enregistrée par un voisin, affolé par les cris qui sortaient de leur appartement. On y entend Johnson crier “get off my f***ing laptop”, et Carrie lui dire qu’il avait taché son sofa avec du vin rouge, ajoutant: “You just don’t care for anything because you’re spoilt. You have no care for money or anything.”
6. Boris, l’homme de lettres
Sa passion, c’est le Latin et le Grec, apparemment. “In the days when French was the only language authorised in the EU press operation, Johnson once asked a question in Latin. He wanted to know more about some directive supposedly intended to enforce the use of the Latin names of fish to facilitate the common fisheries policy. When Johnson was at a press conference there was never a dull moment.”
Et malgré sa vie bien remplie, entre affaires privées et gags publics, Boris trouve toujours le temps de pondre un livre par ci, un livre par là. Nul ne mérite vraiment le détour, mais le dernier, sur Churchill, est particulièrement révélateur de son ambition – comme Boris aimerait être de la stature d’un Churchill!
7. Boris la girouette
Le trait de caractère le plus fort de ce Boris, c’est qu’il n’a pas de morale. Ce n’est pas un homme de droite, ou un Brexiteer, par principe ou par conviction profonde, mais bien parce que cela l’emmène plus près du pouvoir. Il est ni pour, ni contre, bien au contraire: il est pour tout, ou rien, tant que cela lui rapporte plus. Preuve majeur: son attitude on ne peut plus hypocrite face à la question du Brexit: tantôt pro-Europe, tantôt pro-Brexit, tantôt anti- no Deal, tantôt no Deal et c’est tout…