Inauguré il y a tout juste 150 ans cette semaine, le premier métro de Londres – et du monde – s’appelait le Metropolitan Railway. Il permettait de voyager sous terre et sans embouteillages pendant 5.6km, de la gare de Paddington (via Euston et King’s Cross) à Farrindgon, au coeur de la City. Et c’est bien sûr à cause de lui que l’on dit prendre ‘le métro’ en français et dans bien d’autres langues (même si ici on préfère underground, ou tube).
L’idée d’un chemin de fer souterrain s’est imposée dès 1846, grâce à un visionnaire nommé Charles Pearson, lorsque la construction de stations et de lignes ferroviaires dans le centre de Londres fut interdite (la zone était trop construite, avec des terrains appartenant aux riches peu préparés à se faire expulser de leurs palaces pour un vulgaire train). À l’époque, Londres avait désespérément besoin de régler son problème d’embouteillage: plus de 200,000 personnes – et je ne vous dis pas le nombre de cabs et d’omnibus – se rendaient à pied chaque jour à la City, marchant depuis les grandes gares toutes neuves construites en bordure du centre ville.
La construction de la ligne, qui coûta plus de £1 million, débuta en 1860, après que les responsables aient dédommagé les malheureux habitants dont la maison se trouvait sur le tracé de la future ligne. Et oui, à l’époque on construisait les tunnels façons ‘cut-and-cover’ (faire une tranchée et recouvrir), et tout ce qui ce trouvait au dessus était donc détruit.
Le tout fut construit à la main, par environ 2,000 employés (dont beaucoup d’origine irlandaise). Cette méthode a été utilisée de Paddington à King’s Cross, la ligne continuant ensuite dans un vrai tunnel de 666m sous Mount Pleasant et Clerkenwell, puis suivant le cours de la rivière Fleet dans une tranchée menant à Farringdon. Les accidents furent nombreux: un train n’arriva pas à s’arrêter à King’s Cross et tomba dans le chantier; l’excavation s’effondra à Euston; et un égout inonda les tranchées après un orage à Farringdon.
Après trois ans de travaux, les Londoniens purent enfin tester ce nouveau mode de transport révolutionnaire le 10 janvier 1883. Même si beaucoup n’étaient guère rassurés – en 1862, le Times décrit l’idée d’un train souterrain comme une ‘insult to common sense’ et le premier ministre Lord Palmerston, âgé, déclina l’invitation, préférant passer le peu de temps qu’il lui restait sur terre plutôt que sous terre – la Metropolitan fut un succès instantané, transportant 38,000 passagers le premier jour, 9.5 million la première année, et 12 million l’année suivante (la population de Londres à l’époque était d’un peu plus de 3 millions d’habitants).
Mais prendre le métro en 1863, cela n’avait rien avoir avec prendre le tube en 2013. À l’époque, il y avait des wagons en bois avec ou sans toit selon la classe, des lampes à gaz, et surtout des énormes locomotives à vapeur (la ligne fut électrifiée en 1900). Je ne vous raconte pas le bruit et l’odeur là dessous! Ils sortaient tous du métro noir de suie et en toussant… Apparemment, les propriétaires de la Metropolitan assuraient que l’atmosphère de leur métro était bénéfique pour les asthmatiques (!). D’un autre côté, ils permettaient à leurs conducteurs de porter la barbe, dans l’espoir de filtrer un peu les pires émanations des locomotives.
Vous pouvez voir une locomotive à vapeur datant des 1860s, la Metropolitan No 23 (et vous assoir dans de vieux wagons en bois, et admirer bien d’autres merveilles), à l’excellent London Transport Museum sur Covent Garden.
Et les gentlemen devaient sans doute s’accrocher à leurs hauts-de-forme (admettez que l’heure de pointe serait plus gaie si les businessmen portaient tous un chapeau!). Ils pouvaient monter à Paddington, Edgware Road, Baker Street, Portland Road (Great Portland Street), Gower Street (Euston Square), King’s Corss et Farringdon; le trajet complet prenait seulement 20 minutes, et il y avait un train toutes les 15 minutes (10 minutes pendant les heures de pointe). Un ticket coûtait 3 pences.
Les ouvriers pauvres, bénéficiant de tickets peu chers avant 6h du matin, étaient de grands fans de cette nouvelle ligne, puisqu’elle leur permettait de se loger mieux et moins cher dans la banlieue sans devoir payer des billets exorbitants (que les choses ont changé!). Quand aux jeunes hommes d’autres classes, ils aimaient beaucoup les bouches d’aération de Euston Road, qui faisait voler les jupes des filles, à la Marylin, au passage des trains.
L’ambiance sur les quais, comme ici à Baker Street en 1863, avait quand même l’air plus civilisée qu’aujourd’hui:
Ces quais existent toujours, et si vous êtes à Baker Street, descendez donc voir ce magnifique tunnel, avec lampes et briques d’origine. Aujourd’hui, il est utilisé par les trains de la Circle et Hammersmith & City, pas de la Metropolitan. Le succès de la Metropolitan fut tel qu’elle fut étendue jusque dans la campagne (aujourd’hui Chesham est la plus éloignées des stations du underground, à 25 miles du centre), et les promoteurs se dépêchèrent de construire de nouvelles lignes à travers toute la capitale, créant ainsi un réseau connu aujourd’hui sous le nom de London Underground.
> Pour plus sur l’histoire du Tube, visitez l’excellent London Transport Museum
> Pour découvrir les charmes du métro londonien, faites un tour sur ce chouette blog, 150 Great Things About the Underground, créé en l’honneur des 150 du tube
> Pour marquer cet anniversaire, une locomotive à vapeur de 1898 tirera des vieux wagons, dont un datant de 1892, de Olympia à Moorgate, les dimanches 13 et 20 janvier. Plus d’info ici.