Comme le constatait l’année dernière le rapporteur de l’ONU, Philip Alston, dans son rapport accablant, le Royaume-Uni a beau être l’un des pays les plus riches du monde, ses habitants souffrent de plus en plus: 14 million de gens – 1/5 de la population – vit dans la pauvreté. Pire encore, la situation des enfants: “For almost one in every two children to be poor in twenty-first century Britain is not just a disgrace, but a social calamity and an economic disaster, all rolled into one.”
Les raisons de cette catastrophe sont nombreuses, mais la principale est sans doute la politique d’austérité menée par le gouvernement: en réduisant les aides et en changeant le système des benefits, ce qu’Alston appelle le “dismantling of the broader social safety net“, et en coupant les budgets des services publiques comme les gouvernements locaux et les écoles, les politiques sont en train de détruire leur pays (avec en coup de grâce le Brexit qui approche à l’horizon).
Voyons ce que cela veut dire concrètement dans le domaine de l’éducation, si important pour l’avenir du pays. À l’école de mes enfants, on demande régulièrement des dons volontaires pour acheter des fournitures scolaires comme de la pâte à modeler ou des ingrédients pour faire des gâteaux. On organise régulièrement des collectes pour installer des terrains de jeux dans la cour de récré (le budget du gouvernement local étant bien trop serré pour nous aider à remplacer les installations qui datent des années 1980).
Mais ceci n’est rien par rapport à d’autres écoles (la video de cet article fend le coeur) situés dans des coins moins riches du pays. Comme le montre cet article du Guardian, les écoles sont devenue un service de soutient irremplaçable pour beaucoup d’enfants. Les professeurs les aident à laver leurs vêtements ou même leur achètent des chaussures. Selon un proviseur: “In 24 years of education I have not seen the extent of poverty like this. Children are coming to school hungry, dirty and without the basics to set them up for life. The gap between those that have and those that do not is rising and is stark.” Sans le repas chaud servi chaque jour, de nombreuses familles se retrouvent en difficulté lors des vacances scolaires.
Le budget dédié aux écoles s’amenuise d’année en année: en 2018, il s’avérait être moindre que celui pour réparer les nids de poules sur les routes. Les headteachers n’en peuvent plus, et en Septembre 2018 ont manifesté devant Downing Street pour demander plus de moyens – c’est la première fois que cela arrive dans l’histoire du pays. D’autres baissent les bras: plus de 10% des profs de lycée ont arrêté de travailler l’année dernière; et cela fait 5 ans de suite que le gouvernement n’arrive pas à remplir leur quota de nouveaux profs. Face au manque de moyens et à la surcharge de tâches administrative, 4 profs sur 10 pensent quitter leur profession dans les cinq prochaines années.
À cause du manque d’argent (cette école de Cambridge recevra £60,000 de moins l’année prochaine), certaines écoles se retrouvent avec des choix cornéliens: réparer leur bâtiment qui tombe en ruine ou garder assez d’assistants scolaires? Certains headteachers sont devenus hommes à tout faire ou femmes de ménage pour économiser de l’argent, d’autres ont accepté d’être moins payés pour pouvoir éviter de devoir débaucher leurs collègues. D’autres encore ne savent plus quoi faire pour pouvoir réparer le chauffage et les tuyaux de leurs écoles qui tombent en miettes. Comme l’explique ce proviseur, ‘schools perform miracles with nothing’, et la situation est devenue vraiment dangereuse.
La dernière mesure désespérée est pour moi la plus choquante: certaines écoles de Birmingham ont décidé de finir la semaine scolaire le vendredi à midi, simplement pour faire des économies. Mais jusqu’où peut sombrer le service public? Le gouvernement mérite un beau bonnet d’âne – U, must try harder.