Saviez-vous qu’il y a en fait deux Angleterres? Il y a The North, comme nous indiquent les panneaux d’autoroute, et puis Londres et le Sud. Ces deux régions sont si opposées que cela pourrait être deux planètes différentes: espérance de vie; salaires moyens, éducation, prix des maisons… C’est ce que l’on appelle ici le North-South Divide. Pour résumer, on est plus riches, et plus éduqués au Sud; on est plus pauvre, et en moins bonne santé au nord (la faute entre autre à une situation économique très difficile depuis Thatcher et les fermetures des mines et usines du Nord).
Selon Danny Dorling, professeur de géographie à Oxford, le seul pays européen avec une telle frontière invisible, c’est l’Allemagne, et la différence entre l’ancien est et l’ouest. Selon le rapport “State of the North 2019” du think-thank IPPR, le Royaume-Uni a plus de disparités régionales qu’aucun autre pays de même envergure économique. Selon cet article de la BBC, pour 12 emplois créés au Sud, seul un est créé au nord…
“‘The north’ means something to all English people wherever they hail from… To southerners it means desolation, arctic temperatures, mushy peas, a cultural wasteland with limited shopping opportunities and populated by aggressive trolls. To northerners it means home, truth, beauty, valour, romance, warm and characterful people, real beer and decent chip shops. And in this we are undoubtedly biased, of course” écrit le journaliste Stuart Maconie.
Cependant, grâce aux maisons beaucoup moins chères, au coût de la vie plus bas, et aux nouvelles possibilités du monde du travail (freelance, télétravail), certaines des villes du nord, comme Manchester (où se sont installée la BBC et de nombreuses compagnies tech), Leeds, Birmingham et Newcastle sont en pleine renaissance. En d’autres termes, l’écart nord-sud est en train de se réduire, même si nombreux sont ceux qui appellent à plus de décentralisation, notamment avec la création d’un parlement régional du nord, comme ceux qui existent déjà pour l’Écosse et le Pays de Galles.
Pour relier le Nord au Sud, et désenclaver les Midlands et le nord de l’Angleterre, le gouvernement de Boris Johnson a donné son feu vert au projet très controversé de train à grande vitesse HS2. Incroyablement, il n’y a pas de ligne à grande vitesse en Angleterre, à part le petit bout de l’Eurostar de Londres au Channel Tunnel. Comme je vous l’expliquais l’autre jour, le réseau ferroviaire britannique, particulièrement au nord, est desservi par des trains saturés et des lignes datant de l’époque victorienne.
Ce manque de TGV s’explique en partie par la concentration des habitants dans des zones métropolitaines; la densité de population (il n’y a pas, comme en France, de zones presque désertes au milieu du pays); le manque d’investissement de l’état; et le problème de la multitude de voies historiques qu’il faudrait remplacer ou adapter.
Mis à part son coût faramineux, le trajet du HS2 pose de nombreux problèmes car il dérange beaucoup de monde (y compris à Londres, au nord de la gare de Euston). Le photographe Toby Smith a suivi le trajet du HS2 à travers l’Angleterre profonde et permet de mieux se rendre compte du tracé. Par exemple, les habitants de Burton Green, Warwickshire, verront leur village de 640 habitants coupé en 2 par la nouvelle ligne. Et cela sans parler des problèmes de protection de l’environnement.
Espérons en tout cas que si la ligne est vraiment construite un jour, elle aidera à faire du Royaume-Uni (s’il existe encore dans 20 ans!) un pays moins inégalitaire.