Le NHS

Le NHS fête aujourd’hui ses 70 ans d’existence. Le NHS, c’est ce National Health Service si cher aux Britanniques que ce fut même une des stars de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Fondé en juillet 1948 par Aneurin Bevan, un ancien mineur et ministre gallois faisant partie du gouvernement de gauche de Clement Attlee, le National Health Service offre des soins médicaux gratuits à toute la population.

Son principe fondateur, c’est ‘healthcare free at the point of delivery based on need, not wealth’, c’est-à-dire la gratuité de soins directe basé sur le besoin des patients. Pas de payements puis remboursements comme en France; pas de factures exorbitantes comme aux USA. Sa création fait partie des avancées de l’après-guerre, l’une des rares conséquences positives du trauma de la Seconde Guerre Mondiale.

Bevan a écrit: “Society becomes more wholesome, more serene, and spiritually healthier, if it knows that its citizens have at the back of their consciousness the knowledge that not only themselves, but all their fellows, have access, when ill, to the best that medical skill can provide.” Il y a 70 ans, il a introduit son Bill au parliament avec ces mots: “I believe it will lift the shadow from millions of homes.”

NHS England traite plus de 1.4 millions de patients par 24 heure, et est l’un des plus grands employeur au monde (avec les chemins de fer indiens, et l’armée chinoise!). Avec son budget de £126 milliards, il emploie 106,430 docteurs, 285,893 infirmières, 21,597 sages-femmes, et 132,673 chercheurs, laborantins et thérapeutes. Vous pouvez en voire certains, faisant face à une crise hivernale, dans la série Hospital de la BBC, et d’autres dans le fameux One Born Every Minute de Channel 4.

Il est subventionné en partie par les National Insurance Contributions, payée à la source et apparaissant clairement sur nos fiches de paie. Les Britanniques sont à la fois très fiers de ces soins gratuits pour tous, et très critiques de la bureaucratie, et des longues listes d’attente pour voir les médecins spécialistes. Ils descendent dans la rue régulièrement pour défendre cette institution publique si précieuse.

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Après des années de réformes (ici aussi on essaye de dégraisser les mammouths); de coupes budgétaires énormes; la privatisation de nombreux services par des gouvernements de droites comme de gauche (environ 7% du total est sous-traité); le départ de nombreux employés d’origine européenne pour cause de Brexit aigu; et le manque d’infirmiers, qui doivent aujourd’hui payer leurs études plutôt que de recevoir des bourses comme auparavant, le NHS est aujourd’hui mal en point. Plus de 2,000 opérations sont annulées chaque semaine par manque de personnel.

Heureusement, il reste pour la majorité des Britanniques, sondage après sondage, le plus important service public du pays. Et les politiciens sont obligés d’en prendre note, de peur de perdre trop d’électeurs. Ils s’en servent aussi parfois avec malice, comme le fourbe Boris Johnson, qui a menti aux électeurs en disant que le Brexit permettrait de donner plus d’argent au NHS, avec son fameux bus rouge:

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Jeremy Hunt, ministre de la santé haï par le personnel NHS et grand partisan de la privatisation, semble avoir enfin compris qu’il faut augmenter les budgets pour faire face a ses problèmes et à la population vieillissante. On espère que c’est un bon tournant dans la saga du NHS, et comme ce poète-infirmier, que cette institution a encore de beaux jours devant elle.

 

LA NHS, COMMENT ÇA MARCHE?

Pour en profiter, vous devez simplement être résident du Royaume-Uni. Les visiteurs du monde entier se trouvant au UK et ayant besoin de traitements d’urgences reçoivent également des soins gratuits.

Vous vous inscrivez au GP du quartier, votre médecin traitant.
Vous avez mal quelque part, vous lui rendez visite. Les consultations ne durent pas plus de 10 minutes. Si vous avez besoin d’un vaccin ou d’un check-up, vous verrez simplement une infirmière.
Le GP vous réfère à un spécialiste (et là, patience pour fixer vos rendez-vous), et/ou vous donne une ‘prescription’ (ordonnance).
Vous allez à la pharmacie, et vous payez £8.80 par ordonnance pour vos médicaments, quels qu’ils soient (c’est gratuit au Pays de Galles et en Écosse, et Angleterre si vous gagnez très peu d’argent, et pour les enfants).

Pour les dentistes et les opticiens, c’est un peu différent. Chez le dentiste, une consultation coûte aux alentours de £15, un passage chez l’hygiéniste environ £30, une carie £45, et la NHS a posé une limite de £198 pour tout traitement complexe. Pour ce qui est des opticiens, seulement les enfants, les étudiants, les chômeurs et les plus de 60ans ont droit aux test et traitements gratuits.

Si vous avez une urgence, il faut appeler le 999. Dans mon expérience, avec un bébé malade, les ambulanciers arrivent dans les 10 minutes – et sont les plus gentils, serviables et rassurants au monde.

Si vous avez une urgence pas trop urgente, que vous avez besoin de conseils, appelez le 111. Un employé non-docteur prendra vos coordonnées et vos informations, et vous indiquera la meilleure chose à faire. Souvent, il vous dira d’attendre un coup de fil d’un médecin de garde, qui vous arrangera un rendez-vous (soit dans son cabinet, soit aux urgences les plus proches, selon l’heure à laquelle vous appelez).

La NHS offre aussi certains vaccins gratuitement aux voyageurs.

 

MES EXPERIENCES AVEC LA NHS 

1 Mon inscription au GP…

Étudiante à Londres, je me rends chez le GP du quartier pour m’inscrire, tous les papiers nécessaires en main. Je tombe sur une jeune infirmière blonde qui me dit qu’il me manque des documents et qu’elle ne peut pas m’inscrire.

Je vérifie tout cela à la maison, et ne trouve pas d’information sur ce qu’il me manque. Je retourne donc au GP pour m’inscrire. Je tombe sur la même infirmière qui me dit à nouveau qu’il me manque un papier. Je commence à lui poser des questions, puis elle me sort: “Vous comprenez avec tous les étrangers qui viennent profiter de la NHS pour se faire soigner gratuitement, il faut qu’on fasse très attention”. Je suis tellement choquée par sa réponse que je pars sans discuter. Elle voyait très bien d’après mes papiers que j’étais étudiante à Londres, et que je venais de Suisse, où la plupart des Anglais moins ignorant qu’elle rêveraient de se faire soigner.

On appelle le centre de la NHS pour notre quartier, qui nous confirme que j’ai bien le droit de m’inscrire et me dit d’y retourner une troisième fois en me conseillant de porter plainte si j’ai encore des problèmes. J’y retourne donc et tombe sur une infirmière brune plus âgée, qui regarde vite fait mes papiers et m’inscrit en 5 minutes. Depuis plus de problème, tout les médecins et infirmières que j’ai rencontré on été très sympa (par chance je n’ai jamais revu la blonde).

Résultat: Je suis tombée sur une mauvaise pomme qui m’a empêché de m’inscrire. Mais tous ses collègues ont toujours été très professionnels et prêts à m’aider ou à répondre à mes questions.

2 Ma visite aux urgences du Moorfield Eye Hospital…

J’arrive à 8h30 et explique à l’infirmière du triage que j’ai mal à l’œil depuis quelques jours et que j’ai peur que quelque chose y soit coincé. Elle ne dit pas grand chose (parce que je suis son dernier patient et qu’elle a hâte d’aller se coucher) mais note ces détails sur une petite carte, et me dit de patienter sur un des nombreux sièges de la salle d’attente. Je m’attends à poireauter pendant des heures.

Mais dix minutes plus tard, une secrétaire m’appelle à son guichet pour prendre mes coordonnées. Ça prend 5 minutes: je lui donne mon nom, médecin traitant, adresse et profession, et elle me trouve sur son système et me prépare une petite carte de patient.

Je retourne patienter 5 minutes avant qu’une infirmière très sympa m’appelle pour vérifier mes yeux en me faisant un tout petit test. Elle prend des notes, puis me renvoie en salle d’attente en m’expliquant qu’on m’appellera pour voir le médecin tout bientôt. En effet quelques minutes plus tard une autre infirmière m’emmène dans une autre salle d’attente plus petite.

Quelques minutes plus tard je vois le médecin, qui m’examine et me dit que j’ai des petites égratignures sur la cornée, rien de grave, mais il faut que je mette des gouttes dans mes yeux. Il me tend une ordonnance et me dit de me rendre à la pharmacie en suivant les panneaux depuis la salle d’attente.

Je traverse tout l’hôpital en suivant les panneaux à travers un labyrinthe de salles d’attentes et de corridors pour trouver la pharmacie de l’hôpital, ou je paye £7.50 et attends mes gouttes. Encore une fois, ça ne prend pas plus de 5 minutes et je sors de l’hôpital vers 9h30.

Résultat: Bon d’accord, aux urgences des yeux c’est moins le stress que dans un service d’urgence normal. Mais en une heure, j’ai été inscrite, diagnostiquée et ai reçu les médicaments qu’il me fallait. Tout le personnel a été extrêmement gentil et super organisé. J’ai payé £7.50. Qui dit mieux?

3 Mes accouchements

Avant l’accouchement:
• Un service hi-tech: j’ai reçu un e-mail chaque semaine avec des conseils adaptés au stade de ma grossesse; un message SMS pour me rappeler chaque rendez-vous (mon docteur fait la même chose); une semaine après l’accouchement un texte pour me demander si je recommanderais l’hôpital (répondre 1 si non, 5 si oui!)
• L’importance des sages-femmes: si tout se passe bien, on ne voit que des midwifes (sages-femmes; la première que j’ai vue était française d’ailleurs!) et une fois le GP (docteur) et seulement pour faire connaissance puisque c’est lui/elle qui vous suivra une fois le bébé arrivé. En cas d’accouchement sans problèmes, seul(e) un(e) sage-femme est dans la salle avec vous.
• L’aspect négatif de ce système plutôt bien organisé c’est que l’on ne voit jamais les mêmes personnes: en neuf mois, je n’ai jamais vu la même sage-femme deux fois de suite, mais des personnes différentes à chaque rendez-vous. J’imagine que ce n’est pas rassurant si on a une grossesse à problème.
• Les échographies: on a le droit à deux, voire trois échographies selon les hôpitaux, on doit payer quelques pounds (qui vont à une organisation caritative) pour avoir des photos imprimées. Lorsque pour mon deuxième accouchement j’ai eu un problème avec le placenta, le nombre d’échographie à doublé.
• Les NCT classes: La plupart des parents middle-class participent à des cours de préparation à l’accouchement de l’organisation caritative National Childbirth Trust, qui sont plutôt bien faits et permettent aux mamans de se rencontrer et de trouver des amies avec qui partager les joies de leur congé maternité.
• Les hôpitaux sont pleins, donc on vous prévient que ce n’est pas la peine d’aller à la maternité dès que les contractions commencent. D’ailleurs, ils vous renvoient chez vous si vous n’êtes pas assez dilatée… que vos contractions vous fassent mal ou pas…

L’accouchement
• De nombreux hôpitaux proposent deux options: le traditionnel labour ward, plus médicalisé, et le birth centre ou maison de naissance, plus naturel, où l’on peut souvent accoucher dans l’eau. Les accouchements à la maison représentent 2% des naissances.
• Dans tous les cas, les sages-femmes essayent d’intervenir le moins possible et de laisser le plus de choix à la future maman. Les pieds dans les étriers comme dans les films, c’est fini ici sauf s’il y a complications. Le conseil officiel c’est d’éviter d’être allongée sur le dos, la position la moins efficace et la plus douloureuse pour la parturiante (mais la plus pratique pour les médecins).
• Malgré toute cette politique d’accouchement naturel, une femme sur quatre ici accouche par césarienne. Mon expérience de la césarienne a été très bonne, même je ne souhaitais pas du tout cette option et aie du l’accepter pour des raisons de santé. L’équipe de docteurs et d’infirmières a été super, surtout l’anesthésiste – le plus drôle du monde.
• Comme antidouleur, la première option est le gaz and air (entonox), suivie de toute sorte d’autres drogues, et jusqu’à la péridurale. Mais seulement 40% des femmes ont une péridurale, contre environ 60%-70% en France. Pour mon premier accouchement je n’ai rien pris à part environ 5 bouchées de gaz and air.

Après l’accouchement:
• On est transféré dans un ward, une chambre à quatre lits séparés par des rideaux, pas idéal pour dormir quand les bébés crient à tour de rôle… Autant dire que l’on veut rentrer à la maison fissa fissa. Mais dans certains hôpitaux on peut louer des chambres privées pour £250 la nuit.
• Les bébés sont sous haute sécurité: ils ont un bracelet électronique à la jambe qui sonne s’il s’enlève ou si le bébé sort du ward. Une midwife doit accompagner les parents à la sortie pour rassurer la sécurité que c’est bien leur bébé qu’ils emmènent.
• Vous rendent visite sur le ward toutes sortes de spécialistes venus proposer leur aide maintenant et une fois rentrée chez vous, que ce soit pour la reéducation du périnée ou l’allaitement, avec lignes d’assistance téléphoniques…
• S’il n’y a pas de problème, on peut ne rester que 24h à l’hôpital – même après une césarienne. Le bébé se fait checker toutes les 3h; la maman un peu moins souvent, les midwifes viennent au moindre problème pour vous aider à nourir ou changer le petit. 
Après le OK du pédiatre et des sage-femmes qui vérifient que vous allaitez sans problème, on vous donne tous les documents nécessaires pour inscrire le petit à l’état civil (ici on a 42 jours pour le faire) et chez le GP, et un carnet de santé pour le bébé, et on vous laisse rentrer chez vous.
• Le suivi à la maison est très bien organisé: le lendemain de votre sortie de l’hôpital, des sage-femmes de votre quartier viennent s’assurer que tout va bien. S’en suit quelques rendez-vous, à la maison, puis plus tard au GP ou à la Baby Clinic de votre quartier.
• Breast is best: la ligne officielle du gouvernement c’est de motiver les mamans à allaiter le plus possible. Il y a marqué sur tous les paquets de lait en poudre que l’allaitement c’est mieux. Et du coup malheureusement de nombreuses jeunes mamans culpabilisent de ne pouvoir allaiter, et sont prises de haut par certaines sage-femmes.

Résultat: Mes deux accouchements n’aurait pas pu être plus différents l’un de l’autre, mais tout les deux ont été de très bonnes expériences. Ceci dit, ils ont eu lieu dans un grand hôpital universitaire de la capitale, je pense que cela aurait sans doute été différent dans un petit hôpital de province. De tout les employés NHS que j’ai rencontrés durant mes grossesses, seuls une poignée ont été désagréables et peu attentifs, et les soins ont été du plus grand professionalisme.

 

Et vous, quelle est votre expérience de la NHS?

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