En plus d’avoir attrapé une Brexitite aigue, le Royaume-Uni vient de se prendre une belle claque sur la scène internationale – et non, je ne vais pas vous parler de sa dernière place à l’Eurovision. C’est à l’ONU que le pays s’est vu remettre les pendules à l’heure, et ce par une écrasante majorité. Il semblerait qu’enfin, le temps de l’empire Britannique soit révolu – isolé de ses anciens partenaires Européens, le UK ne pèse plus bien lourd en terme de diplomatie et relations internationales.
Le 22 mai, l’ONU a demandé au UK de se retirer dans les six mois des Chagos Islands, un territoire dans l’Océan Indien qu’il occupe illégalement depuis plus d’un demi-siècle. Seuls six pays se sont prononcés contre la motion : les US de Donald Trump, la Hongrie de Viktor Orban, l’Israel de Netanyahu, ainsi que l’Australie et les Maldives. C’est dire que le UK se retrouve en belle compagnie…
L’histoire de ces Chagos Islands, un archipel situé à quelques lieues de l’Ile Maurice, est un parfait résumé du pire de la politique internationale britannique de ces dernières décennies : occupation, déportation, torture, injustice et mépris des règles internationales… Leur histoire en commun avait déjà bien mal commencé : l’empire britannique a acheté les îles Chagos (et Maurice) à la France pour y faire travailler des esclaves sur des plantations de noix de coco.
Puis, alors que l’Ile Maurice devient indépendante en 1968, le UK manigance et menace (des documents ‘disparus’ par le gouvernement ont refait surface récemment) pour pouvoir garder la main sur les Chagos, qui les intéressent du point de vue stratégique. Selon la Cour Internationale de Justice, il est illégal de séparer les territoires demandant l’indépendance, et donc les Chagos sont bel et bien une colonie du United Kingdom. Un comble : le UK ne veut pas être « une colonie de l’UE » (dixit Boris Johnson), mais cela ne le dérange pas du tout d’être des colonisateurs eux-mêmes…
Mais il y a pire que l’occupation du territoire ; il y aussi ce que le United Kingdom a fait subir aux 3,000 Chagossiens. Imaginez qu’un beau jour les autorités vous disent que vous devez partir de chez vous définitivement, en prenant le prochain bateau. Vous êtes obliges de tout abandonner et vous êtes embarqués pour un camp de réfugiés sur une île voisine. Plus jamais vous et vos compatriotes n’aurez le droit de remettre les pieds dans votre pays. Comme le rappelait le premier ministre de Maurice à l’ONU, c’est non seulement horrible et injuste, mais la déportation ou le transport forcé d’une population est aussi, selon la CIJ, la définition même d’un crime contre l’humanité.
Et qu’a fait le UK de cet archipel stratégiquement placé dans l’Océan Indien ? Après l’avoir vidé de ses occupants, ils l’ont « prêté » aux Américains. La plus grandes des îles Chagos est devenue la base militaire de Diego Garcia, où sont posté plus de 2,000 soldats, pour la plupart américains. Après 9/11, le UK a laissé le US l’utiliser comme plaque tournante pour la remise illégale de prisonniers, un lieu ou la CIA pouvait tranquillement torturer leurs suspects avant des les envoyer à Guantánamo Bay par exemple…
Aux Chagos se trouve le plus grand atoll de corail du monde, le Great Chagos Bank, et en avril 2010, le gouvernement britannique y a établi la plus grande réserve naturelle du monde, sur une surface plus grande que la France. Enfin une bonne nouvelle, vous pensez ? Et bien, oui et non : la nature y trouvera certainement sont compte, mais pas forcément les Chagossiens : selon certains documents américains divulgués par Wikileaks, le UK aurait créé cette réserve dans l’idée d’empêcher le retour des habitants – en effet, une zone protégée naturelle n’est pas une zone d’habitation…
Le calvaire des Chagossiens n’est pas fini. Ceux qui se sont vu déplacés au UK font maintenant face aux ‘hostile environment’ instauré par Theresa May, comme les gens de la Windrush generation. Leurs enfants sont menacés de déportation (ailleurs qu’au Chagos, toujours interdites d’accès), et se voient même refuser leur demande de nationalité britannique, alors qu’ils ont été forcés de passer toute leur vie au UK. Espérons qu’un jour ils puissent retourner chez eux en toute liberté.
Quant au gouvernement britannique, il continue de faire la sourde oreille et ne compte pas se retirer. Par contre, les Chagos Islands continueront d’être un bout de corail coupant son pied, que certains pays pourraient tenter d’utiliser pour faire pression sur le UK et ses souvent très convoités territoires britanniques d’outre-mer, comme Gibraltar et des Falklands.