Vous en avez sans doute entendu parler, un certain Harry se marie tout bientôt. Mais comme les deux-tiers des Anglais, cette nouvelle ne me fait ni froid ni chaud. La seule chose d’intéressante dans cette histoire, c’est qu’il se marie avec une immigrante, qui plus est une immigrante du Nouveau Monde, une catégorie de personne dont les problèmes avec le Ministère de l’Intérieur britannique ont fait la une des journaux ces dernières semaines.
Le Hostile Environment
Qu’a pensé le Home Office de cette nouvelle arrivée, Meghan Markle? Elle a dû demander un fiancée entry clearance visa, qui n’est pas donné à tout le monde… Au moins Harry, grâce à sa famille riche, n’aura pas besoin de faire sa lune de miel par Skype. Tout autre citoyen britannique qui s’entiche d’un de ces bloody foreigners doit gagner £18,600 par an ou avoir £62,500 d’économies pour pouvoir faire venir son conjoint/sa conjointe au UK. De nombreuses familles sont depuis séparées, ou dans un cauchemar administratif et financier complet. Un citoyen britannique, tombé amoureux d’un(e) étranger(e), peut se voir refuser le droit de vivre avec sa famille dans son propre pays. On dirait que ça va si on est un prince, mais ça joue plus si on est seulement une caissière de Sunderland qui gagne £11,000 par an.
C’est l’une des idées les plus abjectes de Theresa May, qui a fameusement instauré une politique de hostile environment lorsqu’elle était à la tête du Home Office. En partie parce qu’elle voulait faire plaisir à ses électeurs anti-immigration, en partie pour montrer qu’elle pouvait faire baisser les chiffres là où le Labour n’avait pas pu/pas voulu (toutes les études montrent que le UK est bénéficiaire en terme d’immigration) mais aussi en partie parce que c’est une xénophobe à l’esprit étriqué de fille de curé provincial.
Il suffit de parcourir quelques pages de la section Immigration sur le Guardian pour voir qu’il y a un sacré problème dans la façon dont les immigrants sont traités par le gouvernement en ce moment – juste ce matin je lisais l’histoire de cette Chinoise, privée de son passeport depuis 2014, ayant donné plus de £2,000 au Home Office, et traumatisée par l’arrivé d’un raid au petit matin. En ce moment il y aurait 1,000 highly-skilled migrants risquant d’être déportés, tout cela pour faire baisser les chiffres sans aucune considération pour leur parcours de vie. Les employés du Home Office seraient motivés à faire du chiffre – des expulsions donc – par toute sorte de bons cadeaux, jours de vacances en plus et bonus.
La Windrush Generation
Mais ce qui a vraiment choqué l’opinion publique ici, c’est la façon dont ils se sont comportés avec des gens venus légalement au UK, et vivant ici depuis les années 1960s: la Windrush Generation. Le hostile environment voulu par les Conservateurs a fait que ces citoyens du Commonwealth – et donc de l’ancien empire britannique – se sont retrouvés du jour au lendemain sans avoir assez de preuves de leur statut, alors qu’ils n’avait pas eu de problèmes pendant des décennies.
La Windrush Generation, ce sont les premiers immigrés venus en Angleterre après la deuxième guerre mondiale. Issus des pays des Antilles ou plus généralement du Commonwealth, ils ont été invités à venir aider à reconstruire le UK. Leur histoire est expliquée plus en détail dans ce petit dessin animé et cet article de la BBC. Tenant son nom du bateau qui les a emmené dans leur “mother country”, ils ont fait tourner le pays, devenant garagistes, infirmières, conducteurs de bus ou femmes de ménage.
Arrivé plein d’espoir – “London is the Place for Me”, chantait Lord Kitchener – ils ont vite déchanté, face à la pluie et surtout au racisme des Anglais. Les signes “No Irish, No Blacks, No Dogs” était monnaie courante à l’entrée des pubs à l’époque. Leur histoire est racontée dans le Lonely Londoners de Sam Selvon, un classique datant de 1956, et dans le très beau Small Island de Andrea Levy (2004). Mais ils ont persévéré malgré tout, et aidé à transformer le UK en un pays moderne et multiculturel.
Sans eux et leurs enfants, pas de Notting Hill Carnival, pas de poulet frit à chaque coin de rue, pas de UB40… Pas de Zadie Smith ou de Steve McQueen, pas de Massive Attack et pas de grime… Pas non plus de London slang, que l’on parle dans la capitale à coup de gyaldem (groupe de fille) et de aks (pour ask). Leur influence sur la culture anglaise est telle qu’ils ont même fait partie du spectacle de Danny Boyle retraçant l’histoire du pays pour l’ouverture des JO de Londres.
Des situations kafkaïennes
Grace au travail de la reporter Amelia Gentleman du Guardian, petit à petit leurs problèmes avec le Home Office, qui est même parvenu a “renvoyer” en Jamaïque des gens qui n’y avait jamais vécu – ont été porté à l’attention du grand public. Pendant six mois, elle a écouté les histoires de citoyens à la retraite se faisant emprisonner, jeter à la rue, priver de chômage, virer de leur travail ou expulser.
Des citoyens comme Paulette Wilson, ancienne cuisinière au parlement, rendue sans-abri, emprisonnée et menacée d’expulsion après 50 ans au UK; Michael Braithwaite, licencié de son poste d’éducateur spécialisé après 56 ans au UK; Hubert Howard, licencié et empêché d’aller au chevet de sa mère mourante, après 49 ans au UK; ou Albert Thomson, à qui la NHS a dû refuser de soigner son cancer, alors qu’il a payé des impôts au UK pendant quatre décennies.
Vraiment pas de quoi être fier de mon nouveau pays! Heureusement, ce traitement si injuste semble aussi avoir choqué mes concitoyens. Comme l’explique cet article du Monde, le scandale a fait tomber la minister de l’intérieur, Amber Rudd, même si vraiment, c’est Theresa May la coupable dans l’histoire. Amelia Gentleman retrace les différentes étapes du scandale dans cet article.
De hostile a compliant
Le nouveau ministre, Sajid Javid, préfère le terme de compliant, c’est à dire conforme, qui se plie aux exigences. Mais si c’est aux exigences d’un Home Office qui continue à traiter les cas comme des numéros et pas des êtres humains, de manière si Orwellienne, on pense bien que le scandale ne fait que commencer – après tout il y a 53 pays dans le Commonwealth. On a déjà entendu des cas de dangereuses grand-mères canadiennes sommées de quitter le pays. Le Migration Observatory d’Oxford estime que seraient concerné par ce problème 57,000 citoyens nés dans un pays du Commonwealth et résidant depuis des années au UK sans avoir jamais acquis la nationalité britannique. Il y aurait 15,000 Jamaïcains et 13,000 Indiens dans cette situation.
Quand au maire de Londres, Sadiq Khan, il profite de ce scandale pour soutenir la cause de ces enfants nés au UK, mais sans papiers car incapable de payer £1,000 pour se régulariser. Qui sait, c’est peut-être enfin le début d’un changement d’opinion populaire sur les immigrants et leurs enfants? I really hope so.
[…] au UK font maintenant face aux ‘hostile environment’ instauré par Theresa May, comme les gens de la Windrush generation. Leurs enfants sont menacés de déportation (ailleurs qu’au Chagos, toujours interdites […]
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[…] institutionellement raciste, comme de nombreux scandales et rapports l’ont démontré. De Windrush au travailleurs NHS, du système judiciaire exposé par le Lammy review au dérives de la police de […]
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[…] ont affaire au Home Office (minister de l’intérieur) le regrettent. Depuis le scandale de la Windrush generation, ses décisions horribles et injustes continue de rendre la vie impossible aux […]
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