Le National Felt Service

Hier – grand jour – j’ai été faire une petite promenade dans le centre de Londres pour la première fois depuis des mois. Alors le “new normal” c’est très étrange, la moitié des commerces sont ouverts, l’autre moitié endormie, volets fermés ou décor de Noël poussiéreux en vitrine. Il y a du monde qui marche dans les rues, mais si peu par rapport à d’habitude… Les bus sont quasiment vides, et l’on entend partout le bruissement des trottinettes électriques qui glissent sur les routes quasi-désertes. Les affiches des théâtres proclament “The Show Must Go On”, et les quelques office workers croisés ont l’air un peu perdus au milieu des chantiers qui eux poussent toujours comme des champignons.

Sans touristes en vue, on a vraiment l’impression d’avoir la ville pour soi. Un privilège incroyable, dont il faut absolument profiter cette année entre deux lockdowns. Pour vous donner une idée, voici Regent’s Street vers 11h un jour de semaine:

Mais alors qu’ai-je fait en cette belle journée de printemps? Eh bien j’ai été à la pharmacie, et je me suis acheté du désinfectant pour les mains et du fil dentaire! Et puis après j’ai été à la librairie bien sûr (mais tout le monde n’a pas les mêmes priorités, vu la queue qui serpentait devant chez Hermès) et ensuite j’ai été voir le National Memorial Wall de coeurs dont je vous avais parlé (voir mon update ici).

Donc oui ce n’est pas une blague, j’ai bien été à la pharmacie, mais attention, une pharmacie bien hors du commun: il s’agit d’une installation de l’artiste Lucy Sparrow à la Lyndsay Ingram Gallery à Mayfair. Le matériel de choix de Lucy est la feutrine, qu’elle utilise pour recréer des magasins plus vrais que nature. Après un cornershop londonien et ses paquets de chips, journaux et bonbons, et un sex shop à Soho, elle a fabriqué une bodega à New York, et un supermarché à Los Angeles.

La pharmacie de Bourdon Street est son dernier projet, et il vaut vraiment le détour – le dispenseur à désinfectant à l’entrée – en feutrine lui aussi bien sûr – annonce la couleur (et en plus il marche vraiment lui, contrairement aux médicaments molletonnés en vente à l’intérieur). Le résultat est si réaliste que quelques habitants du quartier ont cru qu’ils pouvaient venir acheter leur Panadol et leur Viagra ici.

Tous les milliers d’objets présentés sur les étagères sont à vendre. Il y a des brosse à dents, des couches, des peignes à poux, des shampoings, des parfums de luxe, et même un présentoir à maquillage Rimmel. Chaque objet est cousu par Lucy et son équipe de petites mains, mais c’est l’artiste à elle seule qui peint et embelli chaque création, et qui signe les ordonnances en blouse blanche derrière le comptoir. Elle y est chaque jour de l’expo, et elle est très sympa.

Tout a commencé à l’âge de six ans, lorsque sa maman et sa grand-maman lui ont appris à coudre. Elle s’est un peu perdue en chemin, abandonnant son école d’art pour se retrouver à faire des lap-dances, mais elle ne s’est jamais s’arrêtée de fabriquer des objets en feutrine. Certains se moquent et parlent d’artisanat plutôt que d’art, personnellement je pense que son travail est incroyable.

“I like that it’s a childlike material. I like that it’s cheap and cheerful, it’s not bronze,” dit Lucy en parlant de la feutrine. “There’s a lot of snobbery that detracts from the serious art making that goes into this.” Elle a passé des mois à faire des recherches dans les pharmacies et examiner les différents emballages, et plus d’un an à fabriquer son inventaire de 15,000 produits.

Malheureusement, les visites sur rendez-vous sont toutes réservées. Ils acceptent chaque jours des passants s’ils sont d’accord de patienter un peu, mais il vaut mieux y aller de bonne heure le matin. Vous pouvez aussi acheter des médicaments dans son shop en ligne.

Si vous passez dans le coin, aller donc voir la devanture. Il y a aussi une magnifique vitrine remplie de vieux médicaments, genre arsenic, laudanum, et ma préférée: une potion contre “general malaise”.

Conçue avant la pandémie, cette pharmacie toute douce et colorée tombe à pic, célébrant notre quotidien et l’importance de ces petites boutiques où l’on vient soigner ses bobos et partager ses problèmes. Un remède parfait contre l’ennui de ces derniers mois. Je crois que je suis guérie.

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