La Lizzie Line

Enfin une bonne nouvelle pour les Londoniens – la Lizzie Line est arrivée! Cela fait depuis les JO que l’on n’avait pas eu ce sentiment de redécouvrir notre ville, et d’être fiers de cette capitale qui commence enfin à revivre après le Brexit et la pandémie. Les Brits sont nuls en politique et en plomberie mais ils adorent un grand projet d’ingénierie et de construction, comme inventer le train en 1804, créer le premier métro en 1863, ou participer à la création du Tunnel sous la Manche en 1993. Crossrail, baptisé la Elizabeth Line en 2016, est dans la même lignée: un gigantesque projet d’ingénierie civile, financé à 70% par les impôts des Londoniens, qui connecte la ville d’est en ouest à grande vitesse.

La semaine dernière, les gens ont fait la queue pour pouvoir enfin prendre ce train que l’on attend depuis une décennie. Parmi la foule: des trainspotters, ou anoraks comme on les appelle aussi, qui prenaient des notes; des fans habillés tout en violet, la couleur de la ligne (des chaussettes et autres accessoires sont en vente dans la boutique de TFL); les blasés de la vie, qui faisaient style qu’ils avaient pris ce train des milliards de fois (!); et beaucoup, beaucoup de gens comme moi, émerveillés par la taille des stations – de véritables cathédrales de béton – et des quais, qui prenaient tous des photos. J’ai même été réquisitionnée pour prendre le portrait d’une dame devant le signe de Farringdon…

Treize ans de travaux et un budget de £19 milliards, c’est ce qu’il a fallu pour créer cette nouvelle ligne ramenant la City à seulement 34 minutes d’Heathrow. Plus de 100 km de lignes, qui relient Reading/Heathrow à Shenfield/Abbey Wood en passant par 39 autres stations et gares accessibles à tous, et prévues pour accueillir jusqu’à 200 millions de passagers par an. Un challenge, puisqu’il a fallu creuser à 30 m sous le sol en moyenne au centre, pour éviter les lignes de métro, égouts et autres spaghettis (la terre à ensuite été utilisée pour renflouer la réserve naturelle de Wallasea, Essex), ainsi que contourner les fondations de tours comme celle de Centre Point, et traverser trois fois la Tamise.

Sans parler du défi de connecter les différents systèmes de ventilation, fermeture des stations et signalisation des trains (c’est à cause de celle-ci que les trains parcoureront toute la ligne d’un bout à l’autre seulement en mai 2023). Un pari réussi: avec ses trains air-conditionnés, spacieux, qui arrivent sans bruit sur le quai, la nouvelle ligne semble venir tout droit du futur. Qui a jamais pris la Central Line le sait: Paddington-Farringdon en 8 minutes, c’est magique. Il suffit de prendre la Elizabeth Line une fois pour se demander à quoi jouent les Muggles (Moldus) au dessus avec leur vieux métros et bus…

Fabriqués par Alstom à Derby, les trains peuvent transporter 1500 passagers et font pour le moment 205 mètres de long (mais les quais sont assez long pour des trains de 240 m si nécessaire dans le futur). Et c’est long, très long:

Cela veut dire qu’il y a souvent en centre-ville deux stations pour le prix d’une – cela dépend juste de quelle sortie vous empruntez: Barbican d’un côté, Farrindgon de l’autre; Moorgate ou Liverpool Street, ou encore Dean Street ou Tottenham Court Road.

Les nouvelles stations sont magnifiques: Canary Wharf, entourée d’eau, avec un jardin sous un énorme toit en treillis; Farringdon (où l’on peut changer pour le Thameslink, la ligne nord-sud), avec des diamants sur les murs en hommage au quartier des joailliers, Hatton Garden, et des détails brutalistes qui rappellent le Barbican; ou encore Paddington, où une oeuvre de l’artiste Spencer Finch, the Cloud Index, décore l’immense verrière, créant un ciel changeant inspiré des tableaux de Constable et Turner.

Bond Street n’est pas encore ouverte car ils ont pris du retard durant la pandémie. Mais la palme de la station la plus compliquée revient à Liverpool Street, coincées entre gratte-ciels, un labyrinthe d’égouts, les lignes du métro et le train souterrain de la Post Office. Les archéologues ont trouvé des merveilles durant les travaux, y compris 4,000 squelettes (certains morts de la peste) et des milliers d’objets datant du temps de Londinium.

Et moi qui n’aime pas trop le violet, je dois dire que la moquette de la Elisabeth Line (ce tissu qui recouvre les sièges des trains et qui est différent pour chaque ligne d’underground, et pour le Overground et DLR) est très réussie, avec ses touches d’orange, bleu et rouge. Autre design moins évident à repérer: les quais sont éclairés avec une lumière blanche et chaude, alors que les couloirs ont une lumière froide, pour éviter que les gens s’y attardent.

Elle a beau être en retard et bien plus chère que prévue, la Elizabeth Line est déjà un immense succès. Et n’oubliez pas de faire coucou aux conducteurs!

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